LE FER, PRÉCIEUX MÉTAL DU TERRITOIRE
L’exploitation du fer dans le massif du Canigó et le Haut Vallespir date du IIe siècle avant JC, comme l’indiquent les ferriers de déchets antiques retrouvés vers la Bastide, Arles Sur Tech ou Prats de Mollo, entre autres.
De l’époque romaine jusqu’au XIIIe siècle environ, les techniques d’exploitation et de transformation du fer sont entièrement manuelles. Le métal est chauffé dans un foyer creusé à même le sol et tapissé d’argile. Le charbon, issu du bois local, alimente le feu attisé par des soufflets de peau. La loupe de fer incandescente est récupérée, martelée pour en extraire les impuretés, puis travaillée. Quand le gisement de fer ou le bois diminuaient, le site était abandonné. Aujourd’hui, il est encore possible de découvrir aux abords des sentiers de randonnées des scories, vestiges de ces « forges à bras » mobiles. Datée du XIe-XIIe siècles, la cloche de la Chapelle de Sant Guillem de Combret témoigne du travail du fer à cette époque. C’est la plus ancienne cloche en fer forgé du département. Classée au titre de Monument Historique en 2003, elle se trouve actuellement au Centre de Conservation et de Restauration du Conseil Département des Pyrénées-Orientales.
La légende raconte que Guillem, l’ermite qui habitait le territoire, souhaitait installer une cloche au sommet de la chapelle. Il se rendit à la forge de Vallmanya ou de Montferrer (selon les récits) pour s’en procurer une. Les forgerons lui répondirent qu’ils n’avaient pas le temps de travailler à une cloche qui ne serait jamais payée et qu’il n’avait qu’à la faire lui-même. Guillem empoigna alors une masse de fer fondu, la malaxa à mains nues et, comme semblent l’indiquer les traces de doigts visibles sur l’objet, la façonna jusqu’à en obtenir une cloche.
À partir du XIIIe siècle, quand l’eau est utilisée comme force motrice, les forges se multiplient près des cours d’eau et l’activité s’intensifie dans les vallées. Aux XIVe et XVe siècles, deux forges sont en fonctionnement à Sant Guillem. Mais, progressivement, l’exploitation massive des espaces forestiers engendre des difficultés d’approvisionnement en charbon de bois, augmentant les coûts de production. La concurrence du fer étranger et les taxes imposées aux maîtres de forges du massif conduisent à une lente diminution du nombre de forges aux XVIIe et XVIIIe siècles, même si, dès 1789, plusieurs forges sont réquisitionnées pour assurer l’approvisionnement en fer, comme à Arles-sur-Tech et à Saint-Laurent de Cerdans notamment.
Dès le début du XIXe, la sidérurgie catalane atteint son apogée et le nombre de forges augmente à nouveau. L’inversion de cette tendance est due à l’évolution des techniques économisant le charbon de bois, l’élargissement de l’aire d’approvisionnement en combustible et l’établissement du chemin de fer. Néanmoins, l’exode rural amorcé, le coût du transport, la concurrence étrangère et l’apparition des hauts-fourneaux conduisent progressivement à leur déclin. À la fin du XIXe siècle, dans le département, deux forges à Arles Sur Tech et une à Corsavy sont actives mais elles cessent de fonctionner peu après. Les mines de Batère ferment leurs portes en 1987.
Depuis plusieurs années, la prise de conscience de cette richesse patrimoniale se traduit par le biais de différentes initiatives (études scientifiques, manifestations, création de musées, réhabilitation de bâti) dont la Route du Fer, portée par le Syndicat Mixte Canigó Grand Site.