LE BOIS : DE LA SUREXPLOITATION À LA PRÉSERVATION
Ressource indispensable aux habitants du territoire, le bois, utilisé pour de nombreux usages quotidiens (bois d’œuvre, combustible), est également un élément essentiel dans le processus de transformation du minerai de fer. Dès l’époque antique, le lieu d’implantation des fonderies est conditionné par le transport du minerai et, surtout, par la présence du bois. À partir des XIIIe et XIVe siècles, période d’évolution des forges catalanes, l’industrie métallurgique conduit à une exploitation massive des forêts.
Installées en montagne sur des pentes escarpées, les charbonnières, dont certaines sont encore visibles, se multiplient. Dès le XVe, la pénurie de bois conduit à la fermeture de certaines forges, comme à Prats de Mollo. Au XVIIIe, les forges du Vallespir sont essentiellement alimentées par du charbon de bois espagnol. Les arbres fruitiers ou les racines de buis et de tremble sont utilisés à l’occasion. Des forêts sont mises en réserve pour entretenir des places fortes érigées suite au Traité des Pyrénées (1659). Le coût de transport du charbon se répercute sur le prix du fer. Progressivement, le nombre de forges diminue et la zone d’approvisionnement en combustible s’élargit. Au XIXe siècle, les ultimes forges sont alimentées par les forêts espagnoles, audoises, corses et sardes notamment.
À cette époque, le déboisement est une problématique nationale et l’État met en place une politique de Restauration des Terrains en Montagne. Sur Prats de Mollo et Le Tech, un périmètre de protection est préparé dès 1856 et adopté en 1862. En 1906, 766 hectares réquisitionnés pour cause d’utilité publique viennent agrandir la forêt domaniale du Haut-Vallespir. Mais en octobre 1940, une crue terrible touche le territoire. Les dégâts matériels et humains sont énormes : on dénombre plus de 40 décès en Vallespir dont 12 dans la vallée de la Coumelade. Pour reboiser le Haut-Vallespir et réduire les risques d’inondation, l’État établit de nouveaux périmètres de protection.
Entre 1944 et 1954, après avoir échangé et acheté des parcelles avec les propriétaires consentants, l’État fait progressivement pression sur les derniers qui vendent leurs terres à bas prix. Ce départ contraint, ressenti comme une véritable expropriation, marque douloureusement les habitants des vallées. Néanmoins, l’État en embauche certains pour reboiser et aménager les espaces forestiers. Près de 100 personnes sont employées dans les années 1950. Trois pépinières sont installées localement et un arboretum est créé à Sant Guillem. Les plantations sont majoritairement effectuées entre 1940 et 1960.
Des essences de résineux indigènes (pin sylvestre, pin à crochets notamment) et exotiques (épicéa, mélèze et pin laricio en particulier) sont utilisées. En parallèle, un reboisement naturel se met en place (hêtre, frêne, bouleau, pin à crochets, entre autres). Gérée aujourd’hui par l’Office National des Forêts, la forêt regroupe plus de 40 essences sur 10.000 hectares environ. Depuis 1967, l’Espagne constitue la destination principale du bois exploité et le transport s’effectue notamment par le Col d’Ares. La production emprunte donc la route inverse de celle sillonnée par les muletiers espagnols approvisionnant en charbon de bois les forges du Haut-Vallespir aux siècles précédents.